Je n’aurais pas cru que chroniquer un album de Merzbow soit un exercice aussi difficile.
D’une part, à cause de l’importante discographie auquel cet album fait suite et d’autre part parce que l’écoute du disque relève d’une expérience émotionnelle personnelle.
Les émotions produites par cette musique sont variables et dépendent souvent de notre propre état physique et mental. Merzbow préconisait lui même, dans une interview ancienne, de multiplier les expériences en écoutant ses disques à différents moments de la journée et dans des conditions différentes (réveil, fatigue, joie, stress…). Il n’est donc pas rare que la musique du maître de la noise provoque en nous du rejet, que pourrait ressentir le quidam, mais quand les conditions sont réunies cette musique difficile nous submerge pour notre plus grand bonheur. Ceci explique mon rapport compliqué avec cet artiste fascinant et la difficulté que je rencontre aujourd’hui pour écrire cette chronique. On se sent proche de lui comme d’une maîtresse qui nous obsède et nous dégoûte parfois. Notre histoire avec Merzbow est évolutive et complexe.
Massami Akita est un activiste et un compositeur qui a déjà plus de 25 ans de carrière. Influencé par le free jazz, le rock psychédélique et la musique électronique des années 70, c’est dans les travaux de Kurt Schwitters que Massami Akita trouve sa véritable source d’inspiration. Dès lors, il ne cessera d’enregistrer des albums dans sa chambre. On en compte plus de 300 à ce jour dont la fameuse Merzbox, Music For Bondage Performance 1 (1991), Venerology (1994), Tauromachine (1998), Frog (2001),mais aussi des collaborations fructueuses avec Genesis P Orridge, Boris, Pan Sonic, Jazzkammer, Mike Patton …
Après Merzbird, Merzbear, Bloody Sea (consacré aux baleines) Merzbow nous délivre à nouveau un message sans équivoque en faveur de la protection des animaux et le végétarisme. On retrouve le slogan en couverture: « Don’t send animals to war ».
Ce disque, sorti sur un label Ukrainien, est composé de trois morceaux qui ont une unité sonore puisque Merzbow utilise une gamme de sons faites de bruits blancs et de murs de sons distordus. Depuis qu’il est passé à l’informatique, on a vu apparaître des sonorités plus synthétiques ainsi que des changements dans sa composition. Il a cependant su garder la spontanéité qui a fait son succès précédemment.
Le premier morceau de l’album est une composition purement Harsh noise totalement brutale et chaotique. Le déchaînement sonore est immédiat avec des vrombissements de bruits blancs, des sons de synthétiseurs analogiques qui partent dans tous les sens, des sirènes et des sinus aigus agressifs. On est dans l’extrême.
Le deuxième morceau démarre plus lentement avec des sonorités métalliques, des boucles abrasives ou des sons qui rappellent de gigantesques brasiers. Mais Merzbow nous surprend en créant de multiples ruptures. On se demande s’il est enfin disposé à nous laisser respirer entre les moments de tension extrême.
Le dernier morceau du disque pourrait figurer dans le top 10 des meilleures compostions de Massami Akita. On part pour 30 minutes de descente dans un univers noise et presque electro-acoustique. Merzbow utilise beaucoup les sons de synthétiseurs qui jaillissent comme des gerbes de feux d’artifices dans un ciel obscur de boucles stridentes. Ce n’est pas pour autant un morceau douloureux.
Certains pourraient dire naïvement que c’est une musique facile à produire en poussant tous les potards à fond. Merzbow est cependant le seul à réussir à nous toucher depuis aussi longtemps. « Peace for animal » n’est pas seulement un Merzbow de plus dans mon étagère. C’est un album important dans lequel le compositeur transforme le bruit blanc en or.
Continuez de suivre avec intérêt cet artiste hors du commun ou rentrez dans son univers si vous ne le connaissez pas encore.
Merzbow-Peace for animals - Quasi Pop-2007